DOCUMENTS & REFERENCES

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Les législatives – La représentation

Le Parlement français est bicaméral, c’est à dire composé de deux chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat. La première est élue au suffrage universel direct, le second, élu au suffrage universel indirect, représentant les collectivités territoriales. Le bicamérisme profite-t-il à la démocratie ? Ou bien davantage au gouvernement, du fait des rivalités qu’entretiennent les deux chambres ? La question reste ouverte.

« Les pères fondateurs de la Constitution de 1958 ont voulu ramener le Parlement à un rang secondaire dans les institutions et ils y sont parvenus durablement. Tant le dispositif constitutionnel (la Constitution et son interprétation) que les règles du jeu électoral (mode de scrutin et calendrier) ont veillé à ce que les chambres respectent la préséance du pouvoir présidentiel. La pratique des acteurs parlementaires, tant dans l’usage que ces derniers ont fait de leurs pouvoirs que dans leur incapacité à utiliser les ressources du bicamérisme, a achevé d’ancrer cette subordination dans le long terme. » Hugues Portelli, SOIXANTE ANS DE SUBORDINATION PARLEMENTAIRE, Le Seuil, 2018

En 2022, le gouvernement a perdu le soutien d’une majorité à l’Assemblée. Une première depuis 1962. Mais la Constitution de 1958 lui a donné des pouvoirs si étendus qu’en l’absence d’une coalition des oppositions, son action n’en a pas pour autant été réduite – en témoigne le passage en force, l’année suivante, de sa loi de réforme des retraites.

  • Pour aller plus loin :
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Les Gilets Jaunes : la diversité et la concorde

L’AIIM s’est proposée de co-organiser avec le Cinéma Jacques Perrin la projection du documentaire « Les voies jaunes » le 17 novembre 2023.

Ce documentaire a fait le choix de présenter le Mouvement des gilets jaunes en privilégiant l’aspect de la réflexion sur celui de l’action – c’est le choix d’une forme essentiellement tranquille et méditative, peut-être même parfois poétique qui tranche avec l’image violente et désordonnée qu’en ont souvent donnée les médias.

L’implication de notre association dans cette projection, qui marque le cinquième anniversaire de la naissance de ce mouvement, tient à certaines de ses particularités en rapport avec notre activité : une exigence d’horizontalité de la parole, la recherche d’une information pluraliste, et la mise en lien des questions locales et nationales. En un mot l’expérience originale d‘une démocratie active et directe.

C’est dans le prolongement de ce courant (tout au moins de quelques unes des voies qu’il a empruntées) que nous organisons périodiquement des séances, ouvertes à tous, d’information pluraliste et sourcée, suivies d‘un débat, en lien avec toute question de société, particulièrement sous ses aspects démocratiques de bien commun et d’intérêt général. Ceci afin de relier concrètement le droit à l’information aux libertés d’opinion et d’expression.

Le Mouvement des Gilets jaunes a d’ors et déjà pris place dans notre histoire nationale. Cependant, il reste encore difficile à appréhender pour au moins deux raisons : le peu de recul dont on dispose, et le fait qu’il n’a toujours pas dit son dernier mot.

Question : ce mouvement des Gilets Jaunes est-il au fond un mouvement social comme un autre ?

Si on en juge par le nombre de publications qui ont paru en 2019 – et il continue d’en paraître aujourd’hui – il semblerait bien que non. Et si certains en parlent au passé, il n’en reste pas moins que nombre d’associations, de collectifs et de réseaux divers suscités par ce mouvement sont toujours actifs.

Un mouvement social pas comme les autres, donc ? Déjà par le fait qu’il s’est construit à l’écart des partis politiques, des syndicats et de l’ensemble de la société civile – à l’écart mais peut-être aussi, ou peut-être d’abord, en opposition avec ceux-ci. Un mouvement donc incontrôlable par les leviers ordinaires du jeu politique, animé qui plus est d’une vive défiance vis à vis de toute forme de représentation, – et par là-même inquiétant autant qu’incontournable pour le pouvoir en place : selon un sondage Odoxa de fin 2018, 78 % des Français trouvent les actions et les revendications de ce mouvement justifiées.

On pourrait d’ailleurs mesurer en partie la force de ce mouvement (si ce n’est par sa longévité) d’après les forces qui justement se sont opposées à lui. D’abord chez les grands médias qui l’ont largement dénigré et stigmatisé, ensuite de la part du gouvernement qui a déployé une répression d’une violence inédite en Europe, passant même fréquemment les limites de la légalité. Une répression devenue par la suite la seule réponse d’un gouvernement devenu sourd. Car s’il y eut très vite l‘annonce d’un déblocage 10 milliards d’euros, puis l’annonce par Edouard Philippe d’un débat sur le référendum d’initiative citoyenne (le RIC, revendication phare des « gilets jaunes »), puis celle enfin de son fameux Grand débat par E. Macron, cela ne parvint pas à affaiblir, encore moins à éteindre la contestation.

Le Mouvement des Gilets jaunes semble avoir évolué par ses propres moyens vers la compréhension que les dysfonctionnements chroniques de notre société qu’il a si obstinément dénoncés et révélés ne disparaitront qu’avec un changement politique radical, y compris institutionnel, voire constitutionnel. C’est peut-être pourquoi il a eu un si large écho à l’étranger où la question sociale, dans le contexte d’une économie mondialisée devenue hégémonique, se pose dans des termes similaires.

On trouvera, au sein des documents de la liste qui suit, de nombreuses références complémentaires de publications sur le sujet.

Éléments de contexte

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Pauvreté

Un drame humain et un fléau social

Au XVIIIe siècle en Angleterre, est déclaré « pauvre » tout sujet devant travailler pour vivre, le substantif « pauvre » étant alors pratiquement synonyme de « peuple ». Actuellement, en France comme dans l’ensemble de l’UE, la pauvreté est normalisée relativement à un critère statistique, le revenu médian : est considéré comme pauvre tout foyer dont les revenus sont inférieurs à ce dernier. Depuis la Renaissance, qui correspond en gros à l’époque où le capitalisme a commencé à se développer et orienter l’organisation des sociétés occidentales, la pauvreté n’a cessé d’augmenter pour atteindre un pic avec l’avènement du libéralisme économique au XIXe siècle. En ce temps, déjà, le travail ne protège plus depuis longtemps les familles contre la pauvreté : dès l’âge de huit ou neuf ans, des enfants travaillent 12 à 15 heures par jour, y compris dans la nuit des mines, prédestinés à la silicose et à la tuberculose.

Les politiques sociales, qui apparaissent à la fin du XVIIIe siècle avec la Révolution française, n’ont cessé d’évoluer jusqu’à nos jours, et ce, non par le mérite de la classe dirigeante, mais du fait des revendications du salariat. Aucune n’a réussi à éradiquer la pauvreté qui, après un net fléchissement lors des Trente glorieuses, est repartie à la hausse.

Une des raisons majeures de ces échecs récurrents reste, dans nos sociétés modernes, la soumission du politique et du social à l’économique, devenue une branche autonome, séparée du social, une mécanique idéalement capable de s’autoréguler tel un phénomène naturel. Les droits de l’humain, issus des Lumières, la notion de dignité humaine particulièrement, peine à entrer en ligne de compte dans un tel contexte.

Le regard que nous portons sur la pauvreté a beaucoup évolué. « Au moment du vote de la loi sur le RMI [Revenu Minimum d’Insertion, voté en 1988], l’idée partagée était que la société française avait une dette à l’égard des plus défavorisés ; c’était la dette de la nation à l’égard des plus pauvres. Dans l’idée de dette, on retrouvait l’idée qu’il y avait des injustices flagrantes, et qu’il fallait les corriger. » Aujourd’hui, en quelque sorte, « il y aurait l’idée que les pauvres ne seraient plus les victimes du système mais seraient en quelque sorte des victimes d’elles-mêmes, c’est-à-dire de leur propre incompétence et de leur propre irresponsabilité. » L’assistance aux plus démunis tend désormais ainsi à les stigmatiser et à créer une sous-classe de citoyens.

Or, au sein du système de protection sociale, le pilier de l’assistance n’était pas à l’origine destiné à se développer : « l’idée était d’avoir le système le plus universel, fondé sur des assurances sociales les plus larges possibles. » Cette idée montre pourtant encore sa validité dans les pays scandinaves. « Ces pays font en sorte d’intervenir en amont de la pauvreté pour qu’il y ait le moins possible de personnes à prendre en charge au titre de l’assistance. »

Quelle que soit la forme de traitement institutionnelle de la pauvreté, celle-ci reste un drame humain et un fléau social dont nous ne pouvons ignorer la dimension éthique. Notre société ne devrait donc pas cesser de s’interroger avec le sociologue Durkheim « sur la façon de redonner pleine conscience aux individus qui composent cette société, qu’ils sont, en dépit de ce qu’on a l’impression qu’ils sont, de plus en plus complémentaires les uns des autres, interdépendants, et qu’il est nécessaire de renforcer ce lien social. »

AIIM, mars 2022

(les citations sont de Serge Paugam, sociologue, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS)

Quelque publications et articles sur le sujet

Perspective historique

Perspective contemporaine

Pour aller plus loin…

  • Elsa Génard et Mathilde Rossigneux-Méheust : Routines punitives. Les sanctions du quotidien XIXe-XXe siècle, CNRS éditions, 2023
  • Antony Kitts : « Bons » et « mauvais » pauvres. Représentations et prise en charge de la pauvreté en Normandie au XIXe siècle, PURH/PUC, Collection Bibliothèque des universités normandes, 2022
  • Antony Kitts, Yannick Marec et Olivier Vernier : La pauvreté et sa prise en charge en France (1848-1988), Atlande, 2022

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Crise agricole – Crise des agricultures

Une impression de déjà vu

Ce qui frappe en premier lieu, dans la crise actuelle du monde agricole (commune à l’ensemble de l’UE), c’est sa dimension sociale. Et la difficulté à bien en saisir les contours vient de ce qu’elle relève également de questions économiques, techniques, environnementales et politiques. Il paraît donc nécessaire de considérer, sur le temps long, le projet de société au sein duquel, en occident d’abord, puis dans le monde, l’agriculture a évolué. Selon un rapport du Sénat de 2016, « un français sur deux travaillait pour l’agriculture en 1900. Cette part (…) représente aujourd’hui 3 % de l’emploi total en France. » La surface de terres agricoles ne s’est pourtant pas réduite, elle a même sensiblement augmenté, mais elle s’est concentrée dans le même temps entre les mains d’un nombre toujours plus réduit d’acteurs « tant industriels que financiers, (…) tous spéculant sur la demande en produits agricoles. » *

Les sentiments d’abandon et de colère des petits producteurs (chez qui sévit une épidémie de suicides – un tous les deux jours en moyenne), sont ceux d’une large part du mouvement de protestation venu perturber le Salon 2024 de l’agriculture – comme jamais en 60 ans d’existence. Ce mouvement est largement soutenu sinon approuvé par la population française, mais ce facteur n’est pas déterminant en l’absence d’un référendum dont celle-ci aurait l’initiative. Ce sont les élus nationaux (au premier rang desquels le président de la République), mais plus encore la Commission Européenne (principal organe de l’exécutif européen, disposant également du monopole de l’initiative législative), qui sont la cible de ses revendications, du fait que les modalités d’attribution des aides de la Politique agricole commune (PAC) et la négociation des traités de libre échange (qui s’est poursuivie durant le salon) restent l’apanage de l’UE.

Comme tout mouvement social, ce mouvement traduit un rapport de forces entre groupes d’intérêts divergents au sein de la société. L’État, en tant que promoteur de l’intérêt général et gestionnaire du bien commun, n’est pas supposé devenir la cible de tels mouvements. Son implication par ceux-ci laisserait donc un doute sur sa volonté ou sa compétence à remplir ce rôle, ou encore sur son indépendance -en l’occurrence- vis à vis de la grande distribution, des industriels de l’agroalimentaire, voire de la FNSEA, ou des fonds d’investissement privés autant que souverains.

L’État, en particulier son chef, celui du gouvernement ou le ministre de l’agriculture, sont-ils donc les meilleurs interlocuteurs, ou disons les vrais protagonistes de cette énième crise ?, sachant que depuis l’internationalisation et la libéralisation des marchés agricoles mondiaux dès le tournant des années 1980, les revenus agricoles se sont trouvés indexés sur des prix découlant largement de logiques supranationales purement financières où l’exploitation familiale n’a tendanciellement plus sa place.

À l’évidence, la question agricole ne peut être envisagée qu’à l’intérieur d’une question plus vaste : jusqu’où les intérêts de l’élite financière (qui structure depuis maintenant des décennies l’économie et oriente les politiques des États-nations) peuvent être compatibles avec les défis planétaires relatifs aux aspirations à une démocratie réellement participative, à l’environnement, à la sécurité et la précarité alimentaires, à la transition énergétique, au changement climatique ou aux fractures et problèmes sociaux (de santé publique**, de croissance de la pauvreté et des inégalités, notamment, qui sont des effets directs ou indirects de guerres économiques et militaires devenues endémiques) ?

Le monde évolue cependant et les analyses macroéconomiques ne disent pas tout. En marge du modèle productiviste qui s’est imposé, qui a largement misé sur le quantitatif***, des alternatives n’ont cessé d’émerger ou se sont maintenues qui visent au contraire le qualitatif comme un tout réunissant l’activité agricole et les relations sociales et environnementales. Elles ont montré localement, de part le monde, leur viabilité et leur potentialité à s’étendre. Peut-être nous amèneront-elles, par l’exemple qu’elles nous donnent en matière d’équité, à reconsidérer l’agriculture comme une activité toute particulière, biologiquement fondamentale, relevant de l’utilité publique.

AIIM, février 2024

* Jean-Marc Puel, Les fonds souverains dans l’agriculture : un investissement politique ?, Études rurales – 190 | 2012

** On sait pertinemment les liens entre santé et alimentation. À titre d’exemples, un milliard d’êtres humains sont atteints par l’obésité, et le rôle joué par les pesticides – entre autres dans la formation de nombreux cancers et dans les anomalies fœtales – est aujourd’hui patent.

*** Selon une étude de l’ADEME (lien plus bas), le gaspillage alimentaire concerne : 32% de la production agricole ; 21% de la transformation ; 14% de la distribution et 33% de la consommation, dont 14% pour la restauration collective et commerciale et 19% pour la consommation à domicile.


Pour aller plus loin…

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/c-est-bientot-demain/c-est-bientot-demain-du-dimanche-10-mars-2024-4158595

https://multimedia.ademe.fr/dossier-presse-etude-masses-pertes-gaspillages/


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